Tangerine Dream, pionniers du Krautrock et de la Berlin School

Tangerine Dream : pionniers de la musique électronique allemande

Tangerine Dream est un groupe fondamental de la musique électronique allemande, fondé en 1967 à Berlin par l'artiste visionnaire Edgar Froese. Bien qu'il ait subi d'innombrables changements de personnel, Froese est resté l'unique membre constant jusqu'à son décès en 2015.

Un genre insaisissable : Les multiples étiquettes du groupe

L'originalité et la diversité des créations de Tangerine Dream au fil des décennies ont rendu le groupe difficile à classer, d'où la richesse de ses qualificatifs :

• Musique planante / Ambient Music (pour ses textures sonores immersives).

• Krautrock (terme désignant le rock expérimental allemand des années 70).

• Rock électronique / Musique électronique (caractérisé par l'usage quasi exclusif des synthétiseurs).

• Berlin School (sous-genre du Krautrock, caractérisé par l'utilisation de séquenceurs et de longues improvisations méditatives).

Selon les disquaires, on trouve souvent Tangerine Dream dans des bacs aussi variés que "variété internationale", "rock progressif", "musique électronique années 70" ou même "jazz". Le groupe, cependant, a toujours rejeté l'étiquette New Wave.

👤 L'ère des pionniers : Edgar Froese et les formations influentes

Le rôle central d'Edgar Froese

Edgar Froese, né en 1944, a initialement étudié la peinture et la sculpture. Sa rencontre fortuite avec Salvador Dalí à Cadaqués en 1965, alors qu'il jouait de la guitare au sein de son premier groupe The Ones, a été un choc artistique déterminant. Dali l'encouragea à expérimenter, ce qui prédétermina son cheminement dans le rêve sonore de Tangerine Dream.

Les premiers pas (1967-1970)

Le groupe, fondé en septembre 1967, a d'abord joué du rock psychédélique au Zodiak Free Arts Lab de Berlin. Froese a ensuite suivi des cours de composition au Conservatoire de Berlin, où il a rencontré Klaus Schulze et Conrad Schnitzler.

Le premier album, "Electronic Meditation" (1970), est atypique car il ne repose pas encore sur des instruments entièrement électroniques. Klaus Schulze (batterie) et Conrad Schnitzler (violon) y ont participé.

Point de discorde : Des dissensions internes sont rapidement apparues, en partie liées à la sortie de cet album (que Froese jugeait être une démo précipitée) et à des divergences artistiques. En conséquence, Klaus Schulze et Conrad Schnitzler furent renvoyés par Edgar Froese peu de temps après l'enregistrement. Le départ de Schulze lui permit de lancer l'immense carrière solo que l'on connaît, faisant de lui une autre figure emblématique de la musique électronique.

Klaus Schulze est remplacé par Christoph Franke, et Conrad Schnitzler par Steve Schroyder, marquant le début de l'évolution vers l'utilisation massive des synthétiseurs modulaires.

Le Trio Classique : L'âge d'or (1973-1977)

C'est la formation composée de Edgar Froese, Christoph Franke et Peter Baumann qui a défini le son emblématique de la Berlin School et connu un succès international, notamment après la signature avec le label Virgin.

• Albums cultes de cette période : "Phaedra" (1974) et "Rubycon" (1975).

• Un concert marquant a eu lieu à la cathédrale Notre-Dame de Reims en 1974.

L'évolution (Années 80)

Après le départ de Baumann, le trio de claviéristes Froese, Christoph Franke (devenu Christopher Franke) et Johannes Schmoelling a pris le relais. Cette période a vu une production intense, notamment dans les bandes originales de films, qui ont contribué à populariser leur son. Le titre Monolight de l'album Encore fut par exemple utilisé pour le générique de l'émission "Objectif demain".

Christopher Franke et Johannes Schmoelling ont finalement quitté le groupe à cause du rythme de travail intense, menant à une brève période avec Paul Haslinger.

Le Duo Père-Fils et les Guest Musicians (Années 90 - 2006)

Le tandem Edgar Froese et son fils Jérôme Froese a marqué les années 90 et le début des années 2000. Ils ont expérimenté des sons plus proches de la Techno Music.

La question du statut des musiciens (membres à part entière ou simples "invités") a souvent fait débat parmi les fans, comme l'ont souligné les cas de Linda Spa (saxophone) et Zlatko Perica.

Note importante : Edgar Froese a divisé l'histoire du groupe en sept époques : The Pink Years (1970-1973), The Virgin Years (1974-1984), The Blue Years (1984-1988), The Melrose Years (1988-1990), The Seattle Years (1991-1995), The TDI Years (1996-2005) et The Eastgate Years (depuis 2005).

🎬 Tangerine Dream et le Septième Art : Une Influence Majeure

Le groupe a composé une quantité impressionnante de musiques de films, une spécialité qui a explosé durant les années 80. Cette production a eu deux influences principales :

Le Pionnier du Son Électronique au Cinéma

Avant Tangerine Dream, la musique de film était dominée par les orchestrations classiques. Le groupe a été l'un des premiers à imposer le synthétiseur, le séquenceur et les textures électroniques comme outil d'ambiance et de narration cinématographique.

• Atmosphère et Tension : Leur utilisation de séquences répétitives et de nappes sonores a créé des ambiances hypnotiques, parfaites pour les films de science-fiction, les thrillers et les films d'horreur. Ils ont donné une nouvelle voix à la tension dramatique et au suspense.

• Reconnaissance : Le premier grand succès hollywoodien a été la bande originale de "Sorcerer" (Le Convoi de la peur) de William Friedkin en 1977, qui a révélé le potentiel de la musique électronique au cinéma.

Le succès et le style des bandes originales de Tangerine Dream ont jeté les bases pour des compositeurs de musique de film électronique ultérieurs. On retrouve leur influence directe dans l'utilisation moderne de l'électronique dans des genres comme le thriller et la science-fiction.

Leur musique continue d'être utilisée pour le petit écran (comme des licences pour les séries populaires Stranger Things et Mr. Robot), prouvant que leur son est resté d'une haute pertinence.

💽 Discographie Sélective (Albums Studio Clés)

La production de Tangerine Dream est immense (plus de 100 albums studio). Cette sélection met en lumière les œuvres les plus influentes et représentatives de chaque ère, essentielles pour le référencement sur l'histoire de la musique électronique allemande.

Années 70

• Electronic Meditation (1970)

• Alpha Centauri (1971)

• Zeit (1972)

• Phaedra (1974)

• Rubycon (1975)

• Ricochet (1975)

• Stratosfear (1976)

Années 80

• Tangram (1980)

• Exit (1981)

• White Eagle (1982)

• Hyperborea (1983)

• Le Parc (1985)

• Tyger (1987)

Années 90–2000

• Rockoon (1992)

• 220 Volt Live (1993)

• Turn of the Tides (1994)

• Mars Polaris (1999)

• Inferno / Purgatorio / Paradiso (2002–2006)

2015–2025

• Quantum Key (2015)

• Quantum Gate (2017)

• Recurring Dreams (2020)

• Raum (2022)

• The Sessions VII–VIII (2021–2023)

L'héritage de Froese et la nouvelle formation (2015 - Présent)

Le 20 janvier 2015, Edgar Froese est décédé des suites d'une embolie pulmonaire.

Selon la volonté de Froese, le groupe a continué sous la direction de Thorsten Quaeschning, devenu le membre principal et le compositeur. La nouvelle formation du groupe (le "Quantum Quartet") inclut désormais :

• Thorsten Quaeschning (Synthétiseurs, compositeur principal)

• Hoshiko Yamane (Violon, membre depuis 2011)

• Paul Frick (Synthétiseurs, a rejoint le groupe après 2020)

Mise à jour 2015-2025 :

• 2015 : Collaboration majeure sur le morceau Zero Gravity avec Jean Michel Jarre sur son album Electronica The Time Machine.

• 2017 : Sortie de l'album "Quantum Gate", un hommage conceptuel à Froese, et le premier album studio avec Ulrich Schnauss (qui a quitté le groupe en 2021).

• 2019 : Sortie de l'album "Recurring Dreams", une collection d'anciens titres réenregistrés.

• 2022 : Sortie de "raum", le deuxième album de l'ère Thorsten Quaeschning / Paul Frick. Il a été très bien accueilli, renouant avec le son séquencé et atmosphérique de la Berlin School classique, utilisant même des séquences modulaires de l'époque d'Edgar Froese.

• 2023-2025 : Le groupe continue les tournées internationales et la sortie de nombreux albums live (tels que Pinnacles en 2023) et de morceaux pour des compilations. Leur son actuel est une fusion respectueuse de l'héritage Berlin School et d'une production électronique moderne.

🌟 Conclusion : L'Héritage Immortel de Tangerine Dream

En définitive, l'histoire de Tangerine Dream est celle d'une quête ininterrompue d'expérimentation sonore, guidée par la vision singulière de son fondateur, Edgar Froese. Plus qu'un simple groupe, c'est une véritable institution de la musique électronique allemande et un pilier du Krautrock.

De l'ère fondatrice de la Berlin School (illustrée par des albums cultes comme Phaedra et Rubycon) jusqu'à l'ère du Quantum Quartet dirigée par Thorsten Quaeschning, le groupe a constamment redéfini les frontières de la musique instrumentale. Son influence est palpable non seulement dans la musique planante, Synthwave et l'ambient music, mais surtout dans le cinéma, où ses scores pionniers pour les bandes originales de film ont établi un standard pour l'utilisation des synthétiseurs légendaires à Hollywood.

Aujourd'hui, alors que le groupe continue de produire une musique progressive de haute qualité (comme en témoigne l'acclamé Raum en 2022), Tangerine Dream reste une source d'inspiration inépuisable. Leur œuvre est un pont sonore entre l'expérimentation des années 70 et les textures électroniques contemporaines. Un héritage qui assure à la formation allemande une place éternelle au panthéon des géants de la musique.