Arnaud Rebotini, maître de l'électro française.
🎛️ Arnaud Rebotini — le maître analogique de la musique électronique française
Compositeur, producteur, DJ, performeur et touche-à-tout génial, Arnaud Rebotini incarne à lui seul une certaine idée de la musique électronique française : à la fois charnelle, futuriste et profondément humaine. Dans un monde saturé de laptops et de plugins, il fait figure d’artisan : un homme qui parle à ses machines comme d’autres parlent à leurs instruments.
🔹 Des disquaires de Paris aux clubs du monde
Né à Nancy en 1970, Rebotini découvre très tôt le pouvoir des sons synthétiques. Dans les années 90, on le retrouve vendeur chez Rough Trade Paris, ce disquaire mythique où se croisent les amateurs de vinyles rares, les DJs de passage et les curieux de l’underground. Là, il apprend l’écoute, la diversité, et surtout, la liberté de style.
C’est dans ce creuset culturel que naît Black Strobe, duo fondé avec Ivan Smagghe en 1997. Ensemble, ils sculptent un son unique : une fusion entre la musique techno, l’électro, le rock et l’EBM, sombre et sensuelle à la fois. Le groupe sort des maxis puissants et devient rapidement une référence de la scène électronique internationale.
En 2007, Ivan Smagghe quitte le navire pour divergences musicales, laissant Rebotini seul maître à bord. Loin de s’essouffler, il approfondit alors sa démarche, entouré de musiciens live pour donner à Black Strobe une nouvelle vie scénique.
🔹 Une carrière solo entre machines et émotions
En 2008, Arnaud Rebotini publie son premier album solo : Music Components (Citizen Records). Ce disque est un manifeste.
Conçu entièrement avec des synthétiseurs légendaires et boites à rythme — Roland TR-808, SH-101, Juno-60, TB-303 — il revendique un retour à la matière sonore, au geste, à la vibration. “C’est comme le rapport d’un violoniste à son instrument”, expliquera-t-il.
La critique salue ce retour à l’essence :
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Trax lui donne 8/10,
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Magic 5,5/6,
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Resident Advisor 4/5.
Ce disque consacre Rebotini comme figure majeure de la techno analogique, entre rigueur rythmique et expressivité organique.
En 2011, il fonde son propre label Blackstrobe Records et sort Someone Gave Me Religion, un album plus spirituel, dense et hypnotique, à la frontière du dancefloor et du sacré.
Sa musique s’y fait méditative et brute, reflet d’un artiste qui compose avec ses machines comme d’autres prient avec des mantras.
🔹 La consécration au cinéma : 120 battements par minute
En 2017, Rebotini signe la bande originale du film 120 battements par minute, réalisé par Robin Campillo.Ce chef-d’œuvre sur l’activisme d’Act Up dans les années 90 bouleverse le public et sa musique aussi.
Le compositeur y tisse des pulsations électroniques avec des envolées orchestrales, soutenant la tension émotionnelle sans jamais l’écraser.
Résultat : un César de la meilleure musique originale en 2018, ainsi qu’un Prix Lumières.
Rebotini devient alors l’un des rares artistes électroniques français à être reconnu aussi bien dans les clubs que dans les salles obscures.
🔹 L’expérimentateur inépuisable
Toujours en quête de sens, Rebotini multiplie les projets hors normes.
Le 20 juillet 2019, il joue dans la nef du Grand Palais, interprétant la musique de 120 BPM avec un orchestre symphonique. L’événement, monumental, illustre sa volonté de faire dialoguer la musique électronique et le patrimoine culturel.
Le confinement comme laboratoire
Au printemps 2020, pendant le confinement, il compose et publie chaque semaine un morceau inspiré de l’actualité. Ce projet audacieux devient l’album This Is a Quarantine — une chronique sonore d’une époque suspendue, où la solitude, l’anxiété et la créativité s’entrechoquent.
Une preuve supplémentaire que pour Rebotini, la musique est autant un refuge qu’un acte de résistance.
🔹 Retour à l’énergie brute
En 2022, il revient aux guitares et aux textures abrasives avec l’EP I Drive East, où il réconcilie sa culture rock avec la techno.
L’année suivante, il enchaîne avec Youth! Take a Stand (2023), un disque qui fusionne techno music, EBM et punk/hardcore, preuve que son feu créatif brûle toujours aussi intensément.
Chaque nouvelle sortie d’Arnaud Rebotini témoigne d’une constante : un refus du confort, une envie de mutation. Il ne suit pas les tendances, il les détourne.
🔹 Une philosophie analogique
L’analogique, chez Rebotini, n’est pas une nostalgie. C’est un manifeste.
C’est l’idée que la musique se fabrique avec les mains, les oreilles et les accidents.
Chaque machine qu’il s’agisse d’une Roland TR-808 ou d’un Moog a sa personnalité, sa chaleur, sa résistance. Là où la technologie moderne lisse tout, Rebotini préfère le grain, le souffle, le hasard.
“L’analogique, c’est comme une conversation. Tu dois l’écouter, tu dois négocier avec elle.”
Sur scène, il aligne ses synthétiseurs comme un pilote prépare son cockpit : précis, concentré, en contrôle, mais prêt à l’imprévu.
Ses lives sont réputés pour leur intensité organique, souvent décrits comme des rituels technoïdes où la tension monte, se tord et se libère.
🔹 Un artiste entre deux mondes
Arnaud Rebotini incarne cette génération de musiciens capables de passer du club au conservatoire, du dancefloor au grand écran, sans jamais perdre leur identité.
Il a ouvert la voie à toute une scène française qui assume aujourd’hui sa double culture : à la fois électronique et émotionnelle.
Il défend aussi les supports physiques et la culture des disquaires : en 2019, il devient le premier ambassadeur français du Disquaire Day, preuve de son attachement à la matérialité du son et du partage.
🔹 Récompenses et reconnaissance
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🎬 César de la meilleure musique originale (2018) — 120 battements par minute
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🏆 Prix Lumières 2018 — Meilleure musique originale
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💿 Qwartz Award 2010 — Meilleur artiste électro
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🌕 Performances dans des lieux emblématiques : Grand Palais, Philharmonie, festivals techno internationaux
Des distinctions qui confirment ce qu’on savait déjà : Rebotini est l’un des grands compositeurs électroniques contemporains.
🔹 Héritage et futur
Aujourd’hui, Arnaud Rebotini continue d’enregistrer, de jouer et d’explorer.
Son futur semble se dessiner entre plusieurs directions :
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la musique de film internationale,
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les performances immersives mêlant arts visuels et son analogique,
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la transmission — en partageant son savoir avec la nouvelle génération de producteurs.
Dans un monde de musique instantanée, il défend la lenteur du geste, la précision du son, la sincérité du lien.
Rebotini nous rappelle que la musique électronique, loin d’être une mécanique, est une poésie du signal, une utopie vibrante.
🔹 Ce qu’il nous apprend
Pour les artistes, producteurs ou simples mélomanes, Arnaud Rebotini est une leçon vivante :
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Que la technologie n’est rien sans intention.
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Que la musique électronique peut être émotionnelle, politique, spirituelle.
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Que l’avenir du son se construira toujours sur la mémoire des machines.
🔹 En conclusion
Arnaud Rebotini est un pilier, un phare, un électron libre.
Son œuvre, à la fois viscérale et conceptuelle, prouve que la musique électronique française n’est pas qu’un style : c’est une culture, un langage, un art du temps.
Entre hier et demain, entre club et cinéma, il trace sa route avec la conviction d’un pionnier : faire danser les corps sans jamais oublier de nourrir les âmes.




